Pour que l'Argent de la Lune cesse de ternir

Shaana entrait rarement dans la taverne. Elle aimait peu les villes, elle n'aimait pas la foule.
Elle avait fait des efforts ces derniers mois, parcequ'elle savait à quel point Takaris aimait Ironforge; Mais elle n'y était pas chez elle. Elle n'y serait jamais.

Ce qui la poussait aujourd'hui à entrer dans cette taverne, c'était ce que les hommes se plaisaient à appeler : l'instinct féminin. Et peut être aussi une certaine inquiétude face aux réactions récentes de ses frères de clan.

Ce qu'elle trouva dans la taverne lui fit comprendre que son instinct ne l'avait pas trompée. Assis autour d'une table, quelques LunArgent regardaient, avec un air navré, une lettre posée en évidence sur un tabard. Les larmes de Melynn ne laissaient que peu de doutes sur l'auteur de la lettre et de son contenu.

Sans un mot, Shaana se pencha sur le texte, le parcouru du regard, et serrant les dents, sortit sans mot dire. Elle avait besoin de prendre l'air. Besoin de respirer, loin de cette foule, loin de la chaleur de la forge.

Les festivités de l'hiver bataient leur plein. Ironforge n'etait certe pas le bon endroit pour trouver le calme et la tranquilité d'esprit. En courant presque, elle rejoignit les gryphons, pour un vol vers le seul endroit au monde où elle pourrait trouver la paix.

Elle fut interceptée dans son élan par une jeune humaine. Sinead. La petite paladine a qui elle avait servi de coursier autrefois, était devenue une amie. Elle pris le temps de lui parler, de lui expliquer. Quelques mots à peine. Quelques minutes. Mais suffisants. Elle avait compris.

Shaana monta sur le gryphon. L'air frais lui fit du bien. Elle allait pouvoir réflechir...

Shaana était assise sur un rocher, Shano ronronnait, couché à ses pieds. Les couleurs chaudes d'Azshara se teintaient du rose du soleil couchant.
La paix et le calme régnait au pays de l'automne.

Elle machonait le bout d'une plume, regardant réveusement la feuille blanche devant elle. Elle avait deja vecu ce moment, il y a quelques mois, quand elle avait écrit à Gardhran pour rejoindre le Clan.

Ils ne le savaient sans doute pas, mais si Gardhran avait attiré Shaana vers le Clan par sa sagesse, Feare avait achevé de la décider par son chaleureux accueil. Elle les voyait un peu comme ses parrains. Elle ne concevait pas le Clan sans l'un ou l'autre. Et aujourd'hui, Feare était parti.

Parti, parceque son role était bafoué.
Parti, parceque sa notion de la paix n'était pas celle de son chef.
Parti, parceque personne n'avait su lui faire comprendre qu'il était important, parceque personne n'avait écouté son coeur et pris en compte ses considérations.

Peut etre aurait il du mieux les exprimer.
Peut etre aurait il du taper du poing sur la table, pour les LunArgent sachent se remettre en question.

Pourtant, Shaana était certaine que nombreux étaient ceux qui rejoignaient l'avis de Feare, sans oser l'exprimer, peut etre meme sans y avoir réfléchi.

Elle s'était toujours tenu un peu à l'écart du Clan. Elle les aimait, comme une famille qu'elle n'avait plus depuis longtemps. Comme des amis.
Mais elle était une solitaire, elle n'avait jamais voulu s'impliquer.

Pourtant aujourd'hui, elle pensait que c'etait necessaire. Urgent même. Avant de voir le Clan s'étoiler, mourir, et disparaitre.
Que seraient les LunArgent, les uns sans les autres ? Disséminés aux 4 coins du monde, sans plus avoir ce contact, meme succint, journalier.
Le temps ferait son oeuvre de destruction, et les êtres qui aujourd'hui ne sont qu'un deviendraient peu à peu des inconnus...

Non, elle ne voulait pas ça.
Elle avait une solution. Mais était elle la bonne ?
Ses frères aurait ils l'esprit assez ouvert pour écouter, réflechir, et agir, sans palabrer inutilement pendant des jours ?
Elle devait essayer. Elle savait qu'il n'était pas trop tard.
Elle avait dans l'espoir que, peut etre alors, Feare & Saulin, et tous ses frères qui volontairement s'étaient exilés du Clan, accepteraient de revenir tenir une nouvelle place.

Une feuille d'arbre morte tomba sur le museau de Shano, lui arrachant un sursaut, suivi d'un grognement.
Avec un sourire, Shaana trempa sa plume dans l'encrier, et avec soin, comme quelques mois auparavant, elle écrivit....

"Cher Gradhran

Voila quelques mois que je suis parmis vous. J'ai trouvé dans le Clan une famille, des amis.

Le temps passe, la roue tourne, et comme pourrait dire la jeune Isnarel, les vents apportent leurs changements.

Les larmes ont beaucoup coulées ces derniers temps. Des amis sont partis, d'autres sont venus.
Des joies, des déceptions.
La vie est ainsi faite, mais voir le Clan perdre ceux qui en sont l'âme ne fait plus de nous que des moitiés de nous même.

Certains partent parcequ'ils ne trouvent pas dans cette famille qui est la leur, le tremplin et l'élan qui les porteront vers leur Destin.
A ceux là, il est difficile de répondre, et difficile de changer. Pourtant, ils auraient pu. Ils auraient pu changer les choses, changer le Clan pour le modeler à leur idéal. Ont ils vraiment essayé ? Je l'ignore. Il est souvent plus facile de fuir que d'affronter les difficultés.

D'autres partent parceque notre lutte pour la Paix n'est pas celle qu'ils cherchaient.
Ceux là par contre, je les comprends, et je sais leurs aspirations.

Si je m'adresse à toi aujourd'hui, Gardhran, bien que je souhaite rendre cette lettre publique, c'est parceque tu es le guide de notre Clan.
Même si parfois tu t'en défends, c'est sur toi que se repose toute ta famille, à toi qu'elle s'en remet, et de toi que dépend son avenir.

Même si chacun d'entre nous peu oeuvrer pour que le Clan ne meure jamais, ca sera toujours toi qui en sera la tête de proue, et ce sera toujours à toi de faire en sorte que les questions soient tranchées. C'est un lourd fardeau, mais c'est le tiien, et tu dois l'accepter.

Tu as perdu aujourd'hui un de tes plus fidèle lieutenant. Tu as perdu ton gardien. Il y a quelques mois, quand j'ai rejoins le Clan, c'est ainsi que je vous voyais. Toi, Gardhran, le druide aux doux discours, toi qui parlait de paix pendant des heures, avec des yeux émerveillés.
Lui, Feare, Guerrier au coeur tendre, dont les lames auraient tranché quiconque aurait osé poser la main sur toi, ou sur l'un de ses frères de Clan.

Peu à peu, notre Clan s'est fait connaitre. Et tu as eu honte de vos faits d'arme passés. Lutter pour la paix quand les lames sont encore entachées du sang des ennemis, ca ne se fait pas.

Aujourd'hui, je dis non. Cesse de te voiler la face et ouvre les yeux.
Tu sais, tout comme moi, que la paix universelle n'existe pas.
Tu sais, tout comme nos frères, qu'il y aura toujours, de part et d'autre des frontières, des fous sanguinaires qui ne se complaisent que dans la guerre.
Les êtres sont ainsi faits, et les beaux discours n'y pourront rien changer.

Oeuvrer pour la Paix est une noble cause. Mais regarde bien autour de toi Gardhran. Tes efforts ne sont pas vains ! Nombreux sont ceux qui ont rejoins nos rangs, nombreux sont ceux qui aspirent à ce que cessent les combats.
Mais nombreux sont ceux qui veulent notre mort. Et ceux là, nous n'avons pas le droit de les laisser salir notre cause.

Tu est un politicien Gardhran. Un Diplomate. Tu es fait pour ralier les foules, pour faire entendre notre voix.
Mais les mots n'arrêtent pas les lames. Et ça, Feare le savait. Moi aussi je le sais, je te l'ai deja dit.

Si tu veux que vive la Paix, si tu veux que notre Voix soit entendue, alors il faudra aussi en payer le prix. Le prix du sang de nos ennemis.

C'est cela même que Feare et Saulin ont tenté de faire comprendre. Des Lames, pour protéger les Mots.
Au diable les titres dont les hauts pontes des armées voudront bien nous affubler. Peut importe ce que voudront bien penser les soit disant pacifistes dont les mots sont ocuverts par le fracas du métal.

Il faut réagir Gardhran.
Aux Diplomates, il faut des Protecteurs.
Certains d'entre nous pensent que c'est en étant armés contre les ennemis qu'on parviendra à imposer notre présence. Je fais partie de ceux là, même si tuer me répugne. C'est aussi une façon d'oeuvrer pour la Paix. Savoir se défendre.

Alors plutot que de les rejeter, reflechis y Gardhran. Une section armée, au sein même des LunArgent ne serait pas une bonne idée ?
Et tu possèdes le meilleur Protecteur qui soit Gardhran, et un ami. Ne le laisse pas s'échapper.

Shaana An'Eada"

Shaana plia soigneusement la lettre, et la cacheta, a l'aide d'un baton de cire qu'elle gardait depuis longtemps dans son sac.

Dessus elle ecrivit :

Pour Gardhran
& Pour mes Frères de Clan présents, passés et futurs.

Elle remit la lettre au tavernier, comme c'était la coutume du Clan, et avec un sourir à Shano, s'enfuit loin de la ville de son agitation.